Quand vouloir à tout prix apprendre à lire à un enfant provoque l’inverse de l’effet souhaité …. Et quand lâcher les attentes et retrouver le plaisir débloquent la situation.

Je vous partage ci-dessous un témoignage touchant de Leni, Maîtresse E (RASED) depuis 7 ans (Enseignante spécialisée qui vient en aide aux élèves en difficulté scolaire), qui illustre à merveille ce que l’on appelle un virage à 180 degrés en thérapie brève.

Le témoignage de Maitresse E

#EleveExtraOrdinaire Acte 1 ou comment j’ai appris à lire à un élève sans le faire exprès et en ne faisant rien.

Arrivé en CLIS (maintenant #ULIS) après 2 CP et 1 CE1. Tout le monde s’était acharné à lui apprendre à lire (enseignants, parents, ortho…), en vain. Échec cuisant.
Je tentais de faire retrouver le calme et la sérénité à des élèves amochés par des vécus personnels et scolaires pas toujours simples. Et ce n’était pas de tout repos.
« Cette classe, ce n’est pas une classe, c’est la cour des miracles » dixit le médecin scolaire de l’époque.

Je ne savais comment m’y prendre pour enseigner la lecture à mon #EleveExtraOrdinaire. Quelles méthodes/approches ? Peu dispo pour y réfléchir. J’ai remis à plus tard, pétrifiée par la peur d’aggraver les choses ou de le braquer définitivement. Je culpabilisais de ne rien faire.

Lectures offertes en début d’après-midi pour tous. Pour calmer et nourrir les esprits. Puis je laissais trainer mes livres… au cas où. Certains élèves aimaient regarder les images, d’autres se remémoraient l’histoire à voix haute…

Mais quelques semaines après la rentrée, j’aperçois un jour mon #EleveExtraOrdinaire marmonner, un livre sur les genoux, suivant les mots du doigts, sourcils froncés. Je m’approche :

« Tu lis ?
– Oui
– Tu sais lire ???
– Oui. J’ai vu que toi, tu n’essayais même pas de m’apprendre à lire. Alors je me suis dis que si je n’apprenais pas tout seul, je ne saurais jamais lire. »

#EleveExtraOrdinaire avait réussi à mobiliser seul tout ce qui lui avait semblé inutile avant. Les 2 clés de sa réussite : #Motivation et #Volonté.

Une situation qui s’aggrave

Pendant plusieurs années, 2 années de CP et 1 année de CE1 exactement, les parents, professeurs et orthophonistes ont tout fait pour apprendre à lire à cet enfant et se sont épuisés à essayer de mettre plein de choses en place. Au final, sans succès !

Et c’est lorsqu’une maîtresse renonce (pas définitivement mais ponctuellement car à court de nouvelles idées ou méthodes pour lui apprendre à lire) que le déclic a lieu et qu’il se décide à apprendre à lire seul.

On dirait de la magie, non ?

Pas forcément !

Une lecture de cette situation avec l’approche Palo Alto

L’approche de Palo Alto offre une autre lecture de ce qui s’est passé pour cet enfant et nous donne des clés de compréhension de cet incroyable changement de comportement.

Un des principes fondamentales de l’approche de Palo Alto est que bien souvent, c’est ce que nous mettons en place pour résoudre un problème qui l’aggrave.

Un cercle vicieux qui provoque de la démobilisation

Dans ce cas précis, le fait même que ses parents, ses professeurs, son orthophoniste voulaient à tout prix que cet enfant apprenne à lire a généré chez lui une démobilisation, un désintérêt et peut-être même un rejet pour la lecture. En effet, le verbe lire ne supporte pas l’impératif tout comme le verbe aimer ou rêver…

Une situation bloquée

Bien souvent, lorsque une tentative de solution (on appelle ainsi ce qui est mis en place pour régler un problème sans succès) ne fonctionne pas, la première conclusion est de se dire que l’on n’a pas essayé assez fort et alors de redoubler d’efforts mais toujours dans le même mouvement : lui apprendre à lire. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour cet enfant. Oui, car ce que nous tentons de faire face à un problème relève souvent du bon sens et lorsqu’un enfant n’apprend pas à lire, il semble bien normal d’essayer encore, d’essayer plus, d’essayer différemment mais toujours d’essayer de lui apprendre à lire.

Le virage à 180° salutaire de cette enseignante

En arrêtant de s’acharner à apprendre à lire à cet enfant, la maîtresse a arrêté de lui envoyer le message qu’il n’était pas conforme à ce que l’on attendait de lui. En lisant des histoires voix haute à toute la classe, en laissant trainer des livres, elle est cependant restée présente et disponible pour cet enfant.

La simple modification du seul comportement de cette maîtresse a généré un changement radical en un temps relativement court.

Arrêter de vouloir qu’il lise absolument tout en cultivant le plaisir autour de la lecture, a permis à l’enfant de ressentir le plaisir des histoires lues et que l’on a envie de relire, de rallumer la petite flamme du désir de lire par soi même et pour soi même et de se mobiliser pour y parvenir!

Parce que s’il n’y a pas de désir, il n’y a pas de volonté ! Et parce que le désir, cela ne se décrète pas ….  ni pour soi, ni pour les autres.

Marie FAIVRE CAMUS

Psychopédagogue et Psychopraticienne en thérapie brève

Souffrances enfantines et adolescentes

 

 

 

 

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